Bonjour Anne Roussier, vous êtes responsable de l’accueil des visiteurs à la Distillerie Warenghem de Lannion (22). Pouvez-vous nous présenter le savoir-faire de votre entreprise ?
La distillerie Warenghem a été créée en 1900 par Léon Warenghem, elle est spécialisée dans la production d’alcools. Nous proposons toute l’année cinq produits phares : le Pommeau de Bretagne AOC (appellation d’origine contrôlée) ; le Fine Bretagne AOC, le chouchen, les liqueurs et le whisky breton. L’appellation d’origine contrôlée est un label français, assurant que toutes les étapes de production et de transformation sont réalisées dans une même zone géographique, ici obligatoirement en Bretagne, et selon un savoir-faire reconnu. Ainsi, grâce à son savoir-faire unique, centenaire et artisanal, la distillerie est labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant.
La distillerie Warenghem, située à Lannion, propose des visites guidées et des dégustations. (crédit photo distillerie Warenghem).
Comment est venue l’idée de fabriquer un whisky breton ?
Dans les années 1980, le marché des liqueurs ne fonctionnant plus très bien, la distillerie a décidé de se renouveler en proposant des produits bretons, comme le chouchen puis, très vite, en 1983, l’entreprise décide de produire du whisky breton : elle devient alors la première distillerie de whisky en Bretagne et en France ! Les Français sont de grands consommateurs de whisky et la Bretagne, terre celte, cousine de l’Ecosse et de l’Irlande, est un lieu propice pour en fabriquer. Grâce à son savoir-faire en distillation depuis 1900, ça a été un pari gagnant pour l’entreprise !
Afin de garantir une qualité et une transparence sur la production, nous voulions que nos produits possèdent une indication géographique « whisky breton », que l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) a validé en 2015. Le whisky breton doit obligatoirement être brassé avec de l’eau puisée en Bretagne, fermenté, distillé et vieilli sur le territoire breton, pendant 3 ans minimum dans un fût de chêne.
Concrètement, quelles sont les étapes de fabrication du whisky ?
Pour produire du whisky, nous avons besoin de 3 ingrédients : de l’orge, de l’eau et des levures, les micro-organismes ajoutés pour la fermentation. Et nous comptons cinq étapes de fabrication : le maltage, le brassage, la fermentation, la distillation ainsi que le vieillissement.
Étapes de fabrication du whisky, dans la distillerie Warenghem (crédit photo distillerie Warenghem).
La première étape consiste à malter l’orge, il s’agit du maltage. Cette étape est réalisée en dehors de la distillerie. Une fois l’orge malté réceptionné, nous le brassons avec de l’eau à 95°C afin que l’amidon de l’orge se transforme en sucres fermentescibles, appelés moût. Pendant 3 ou 4 jours, le moût est mélangé avec les levures : celles-ci « mangent » les sucres pour produire des gaz carboniques et de l’alcool, il s’agit de la fermentation. On obtient alors un produit ressemblant à de la bière. La bière est alors distillée dans des alambics en cuivre. Cette étape permet d’augmenter la concentration en alcool en chauffant le produit. Afin de respecter le savoir-faire écossais, nous réalisons également une deuxième distillation. Le deuxième distillat, qui est à 75°C, est récupéré puis stocké dans des fûts pour le vieillissement. Les fûts sont entreposés dans un hangar, afin d’être protégés de la pluie tout en restant en contact avec le climat tempéré de la Bretagne et les embruns marins… Cette météo confère un goût particulier à nos whiskies !
Le whisky vieillit entre 3 et 16 ans dans la distillerie. Le maître de chai le goûte régulièrement pour savoir lorsqu’il est prêt à être embouteillé. Une fois le moment venu, des whiskies de plusieurs fûts sont assemblés et le tout est dilué avec de l’eau de la source Rest Avel, située à 100 mètres sous la distillerie, pour abaisser le degré d’alcool. Le whisky est enfin prêt à être mis en bouteille.
Pour une distillation et un vieillissement optimum, les alambics et les fûts sont choisis avec minutie. Utilisez-vous des équipements spécifiques et authentiques ?
Oui, en effet, le choix des alambics et des fûts est très important pour obtenir un whisky d’exception ! Nous utilisons des alambics en cuivre de taille moyenne, conçus en Charente pour un ingénieur écossais. Ce sont les mêmes alambics depuis la création de la distillerie.
Pour obtenir l’indication géographique « whisky breton », nos produits sont conservés pendant trois ans minimum dans des fûts de chêne ayant contenu différents alcools. Selon les goûts recherchés par notre maître de chai, le whisky vieillit dans des fûts de bourbon, provenant des Etats-Unis ou dans des fûts de sherry (vin blanc andalousien), provenant d’Espagne, dans lesquels le whisky développe une couleur ambrée et des notes de prunes et pruneaux. Ces deux types de fûts sont utilisés dans les distilleries écossaises depuis des millénaires.
Chai de vieillissement (crédit photo distillerie Warenghem) .
Depuis quelques années, nous utilisons également des fûts 100% bretons. En effet, nous travaillons avec l’Office Nationale des Forêts et utilisons des fûts fabriqués à partir des chênes de la forêt du Cranou (29) qui apportent de délicates notes boisées.
Fût breton et eau de source bretonne… Mais est-il possible d’utiliser également de l’orge 100% breton ?
Depuis plusieurs années, nous cherchons à utiliser des matières premières locales issues de l’agriculture biologique. Pour le moment, il est difficile d’obtenir suffisamment d’orge local et bio pour assurer la production annuelle de whisky de la distillerie. Pour vous donner une idée, en 2021, nous avons utilisé 400 tonnes de d’orge malté et 80 tonnes de blé pour fabriquer nos whiskies : 100% du blé est produit par des producteurs bretons et 30% pour l’orge.
Où vos produits sont-ils vendus ?
70% de nos ventes sont destinées à la Bretagne, 20% à la France entière et 10% à l’export (pour les pays limitrophes, les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Chine).
(crédit photo distillerie Warenghem)
Tous nos produits sont en vente directe sur la boutique en ligne ainsi que chez de nombreux cavistes dans toute la France. De plus, certains whiskies sont disponibles en grandes surfaces sur le territoire breton (Leclerc®, Intermarché® et Carrefour®). Nos bouteilles coûtent entre 22 et 60 euros.
Nous proposons également des éditions limitées sur la boutique en ligne. En ce moment, nous proposons 2 whiskies Single Cask, signifiant qu’ils proviennent d’un seul fût et non d’un assemblage de fûts :
– Le plus ancien whisky jamais commercialisé par la distillerie, 16 ans d’âge, vieilli dans un fût de sherry à 188 euros.
– Le whisky Esprit d’Équipe, vieilli dans un fût de Savennières, provenant d’Angers à 64,80 euros.
Pour finir, comment conseillez-vous de déguster votre produit ?
Tout d’abord, nous aimons rappeler que l’ensemble de nos whiskies se déguste en bonne compagnie et dans un climat agréable. Le Single Malt ARMORIK se déguste volontiers accompagné d’un toast de pain avec du fromage de brebis ou des huîtres. De quoi bien commencer cette nouvelle année… Mais ces conseils sont bien sûr valables le reste de l’année !
L’abus de l’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.