Existe-t-il plus résistant qu’une bactérie ? Ces micro-organismes sont capables d’affronter les conditions les plus défavorables : chaleurs extrêmes, absence d’oxygène… Leur réputation de super-organismes leur a même valu le nom ”d’extrèmophiles ». On les retrouve partout (ou presque) où elles trouvent de quoi se nourrir, comme dans le sol ou bien dans nos intestins. On comprend bien pourquoi il leur est si facile de coloniser nos aliments si ceux-ci ont le malheur d’être laissés à l’air libre ! L’odeur nauséabonde dégagée d’un reste de pâtes bolognaises oublié dans la cuisine est dû au gaz produit par l’attaque des bactéries. Heureusement, elles ne sont pas seulement responsables d’intoxiquer les restes de nos repas, elles peuvent aussi être totalement bénéfiques !
De super-conservateurs ignorés
Depuis des millénaires, l’homme utilise en effet, sans le savoir, ces micro-organismes afin de conserver ses aliments. Tout commence par la découverte du salage, méthode qui favorise le développement des bactéries lactiques, de “bonnes” bactéries, aux dépens des “mauvaises” bactéries. Dès la Préhistoire, cette méthode de conservation, tout comme le séchage, la saumure et le froid, a permis à l’Homme de faire des stocks en période d’abondance, en prévision des périodes plus difficiles de faible disponibilité alimentaire. Ce n’est que des siècles plus tard que le rôle des bactéries, aussi bien dans la conservation que dans la dégradation des aliments a été découvert par Louis Pasteur. Le procédé de pasteurisation, qu’il met au point en 1865, permet de détruire les bactéries sous l’effet de la chaleur.
La quasi-totalité des légumes et fruits peuvent être lacto fermentés, la seule limite est votre imagination.
On en deviendrait presque lacto !
Les bactéries, utilisées dans certaines conditions, peuvent en effet se charger de la conservation de nos aliments. C’est ce qu’on appelle la lactofermentation ! Cette technique, vieille de quelques milliers d’années, obtient la médaille du plus “low-tech” des modes de conservation.
Présence de sel, absence d’oxygène, nourriture à volonté, température ambiante et peu de lumière : telles sont les conditions propices à la bonne fermentation lactique d’un aliment. Le précieux acide lactique produit par les bactéries permet de conserver nos bocaux durant des mois, voire des années (si on arrive à attendre jusque là !). Aucune ressource énergétique n’est nécessaire ! En plus de cette simplicité, la lacto-fermentation offre de nombreux avantages :
- Elle permet de garder le goût de l’aliment intact, et même d’améliorer ses qualités gustatives. La saveur “umami” peut notamment se développer !
- Elle conserve, voire augmente les teneurs en micronutriments, notamment en vitamine C, de quoi booster notre système immunitaire ! L’histoire raconte que les marins qui emportaient sur leurs navires des bocaux de choux fermentés étaient protégés du scorbut, une carence sévère en vitamine C, alors que ceux qui n’en emportaient pas étaient atteints par la maladie…
- Elle rend certains aliments plus digestes (moins de désagréments intestinaux). De par la présence d’enzymes, ceux-ci sont en quelque sorte prédigérés, ce qui est parfait pour les intestins sensibles.
A l’apéritif : du vin (à consommer avec modération), du saucisson… et des bactéries
De nombreux aliments, icônes de la gastronomie française, sont fermentés, c’est le cas de la choucroute et du vin. Ce sont des bactéries lactiques, en fermentant le chou d’origine qui donnent à la choucroute ce goût si particulier. Il en va de même pour le vin : si ce sont des levures qui initient la fermentation du raisin, les bactéries arrivent bien ensuite en renfort. Celles-ci sont naturellement présentes dans les raisins ou ajoutées parfois par le viticulteur pour accélérer la fermentation. On comprend ainsi pourquoi chaque cépage a un goût particulier, chaque type de vigne ayant son propre microbiote…
En parlant de vin, on l’accompagne souvent d’un saucisson à l’heure de l’apéritif. Et bien celui-ci aussi est fermenté au cours de sa fabrication. Le goût unique de chaque saucisson est directement lié au microbiote de la viande !
Le pain, le vin, le saucisson et le fromage : la richesse des aliments fermentés français.
Mange ton yaourt !
Ou devrait-on plutôt dire “Mange ton lait fermenté par Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus” ! La lactofermentation assure la précipitation de certaines protéines, les caséines : le lait prend en masse et on obtient du yaourt. Grâce à ses 100 millions de bactéries lactiques vivantes par gramme, les yaourts sont agréables au goût et digestes. En 1920, les yaourts étaient prescrits par les médecins pour soigner les bébés qui présentaient des troubles intestinaux, on trouvait alors les yaourts en pharmacie.
De plus, les intolérants au lactose seront ravis, car le lactose contenu dans le yaourt est totalement digeste ! On vous explique pourquoi : le lactose (glucide du lait) est assimilable par le nourrisson grâce à l’enzyme lactase, qui est capable de séparer le lactose en deux plus petites molécules : le glucose et le galactose. Or lorsqu’on grandit, l’activité de la lactase diminue, en fonction des personnes celà peut-être très variable. Donc notre lactose, étant moins bien assimilé, continue sa route jusque dans notre côlon où il atterrit entre les mains de notre microbiote ! Certaines bactéries peuvent s’en faire un festin et produire tout en tas de désagréments pour l’adulte (flatulences, douleurs abdominales, diarrhée), c’est l’intolérance au lactose qui apparaît. Heureusement, elle peut être soignée si on supprime les produits laitiers… exceptés le yaourt et le fromage ! En effet, alors que le yaourt contient quasiment autant de lactose que le lait, les bactéries contenues dans le yaourt fabriquent de la lactase, la fameuse enzyme qui nous permet d’assimiler le lactose. Miracle ! Même les intolérants au lactose pourront se faire plaisir avec les yaourts et fromages… On dit merci aux bactéries !
Le yaourt est une source de calcium offrant un grand confort digestif.
Les bienfaits des bactéries pour la conservation de nos aliments ne sont plus à prouver, tant pour le goût que pour la santé, que pour l’impact environnemental réduit.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas se laisser tenter par la réalisation de légumes lactofermentés maison grâce à la recette détaillée ci-dessous ?
Pour réaliser cette recette en plus ou moins grande quantité, rien de plus simple : pour un bocal de 1 L prévoir 1 kg de légumes, pour un bocal de 750 mL prévoir 750 g de légumes… Et il suffit de mettre 1% du poids des légumes en sel : si on a 500g de carottes dans le pot, alors il faudra 5g de sel.
Bon appétit !