Adeline Bichet a créé une petite exploitation où pleurotes, shiitakés et divers légumes anciens et de variétés japonaises poussent… Visitons ensemble cet endroit atypique !
Bonjour Adeline Bichet, vous êtes installée à Créhen dans les Côtes d’Armor depuis fin 2020 pour créer votre entreprise Le Petit Japon Breton, une ferme où l’on produit des végétaux originaux car vous aviez pour objectif de mettre un petit peu de “Japon” dans le quotidien des bretons… Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre petite entreprise ?
Pour commencer, je peux vous expliquer les années qui ont précédé cette décision. J’ai toujours été attirée par le Japon, aussi, après un doctorat en biologie végétale, je suis partie vivre un an et demi à Kyoto à l’occasion de mon post-doctorat. J’ai adoré cette expérience qui m’a fait me plonger dans une nouvelle culture et découvrir une nouvelle façon d’appréhender la nourriture (ou la nature). C’est cette expérience qui m’inspire encore aujourd’hui. Après avoir passé de longues années en région parisienne dans le domaine de l’informatique au retour du Japon, le besoin de revenir à la terre et à la mer et de me rapprocher de ma famille est devenu primordial. J’ai alors entamé ma « troisième vie » dans le pays de Dinan…
Dès 2016, j’ai réfléchi à produire moi-même des aliments frais d’origine japonaise en France. Ces produits me manquaient, ceux qu’on trouvait (seulement dans les grandes villes) n’avaient rien de local et j’avais réellement besoin de me lancer dans une nouvelle aventure 100 % naturelle. Mon objectif était aussi de proposer des aliments dits « de niche » afin de présenter une offre originale par rapport aux autres maraîchers.
Je me suis alors formée (parcours d’installation à la chambre d’agriculture, stages spécialisés pour les champignons etc…), ai trouvé du foncier pour finalement me lancer fin 2020 et voir alors tout rendu plus complexe avec la Covid. Cela fait un an que je vends ce que je produis seule sur ma parcelle : shiitakes et pleurotes, ainsi que quelques légumes japonais. J’ai également une gamme de légumes anciens et de fruits plus classiques ainsi que des plantes aromatiques.
Comment se déroule la production de champignons ?
Pour la culture de champignons, je travaille dans des salles où je contrôle les conditions comme la température, l’humidité et l’oxygène. Je dispose de blocs de paille déjà ensemencés et enrichis en nutriments afin que les champignons se développent sur ce bloc. La culture dépend très fortement de la température ; quand il fait très froid ou trop chaud la croissance et la qualité sont affectés. Cet été avec la sécheresse, j’ai perdu beaucoup de cultures et ai dû expliquer mes difficultés aux consommateurs. Selon les conditions, les champignons poussent après 1 à 3 semaines et on a 2 voire 3 « volées » par bloc. Si elles sont optimales, cela pousse en grande quantité, donc je dois cueillir à la main les champignons frais au moins deux fois par jour !
Une fois les champignons cueillis, ils doivent être conservés au frais et prêts à être consommés directement.
Passé cette première phase de développement de mon activité, j’ai pour projet de cultiver des champignons japonais plus rares (nameko, shimeji…) pour réaliser mon envie initiale. Je dois d’abord faire des essais dans mes conditions car la culture de ces différents champignons est particulièrement exigeante… patience !
Le respect de la biodiversité et des écosystèmes est un enjeu qui vous tient à cœur et que vous appliquez quotidiennement dans votre ferme. Nous pouvons parler de biodynamie et de permaculture. Dites-nous quelles variétés de végétaux nous pouvons trouver dans votre ferme !
Je n’applique pas de méthode stricte mais je pioche à droite et à gauche des idées pour toujours garder l’objectif principal : mettre un maximum de biodiversité dans mes cultures et respecter la nature. Pour cela, je réalise des bandes de culture qui vivent en équilibre les unes avec les autres. Je travaille la terre le moins possible également pour la vie du sol.
Les bandes de légumes sont intercalées avec des arbres fruitiers de différents types pour favoriser la diversité alimentaire et pour avoir un complément en fruits dans mon jardin. J’intercale également des bandes fleuries et arbustes mellifères ainsi que des engrais verts là où il n’y a pas de culture. Je fais attention à faire des mélanges de légumes et de fleurs dans les bandes pour que les êtres vivants se régulent entre eux naturellement… sans pesticide ou autre produit.
J’ai installé des nichoirs pour les oiseaux et chauve-souris et je souhaiterais par la suite attirer les rapaces, solution naturelle et efficace contre les rongeurs. L’idée est de rendre l’environnement propice à leur chasse et installer des perchoirs.
Enfin, dans un souci d’autonomie et pour améliorer une zone souvent inondée l’hiver, j’ai planté du miscanthus, une graminée géante pérenne, qui me fournira, entre autres, du paillage tout en servant d’abri à la faune.
Je cultive principalement des légumes anciens (hélanthi, oca du Pérou, Yacon…) et japonais comme en ce moment radis (daikon), potirons et potimarrons ou patate douce (satsuma-imo). Pour les arbres fruitiers, nous trouvons des arbres pommiers dont deux variétés japonaises, des poiriers dont Nashis, une variété japonaise également, des cerisiers, des pruniers, des kakis, des baies et des fruits rouges. J’ai commencé des tests d’agrumes comme le yuzu ou des mandarines japonaises…. Enfin je plante de plus en plus de plantes aromatiques dont des originales comme le yomogi japonais, la sauge ananas, menthe chocolat ou fraise, verveine sucrante et fleurs comestibles ou à tisane comme la rose et le sureau.
Pour compléter ma production d’aliments de niche, je transforme une partie de mes produits pour la vente. Je fabrique de la poudre de champignons, qui se révèle savoureuse une fois réhydratée dans une soupe ou une sauce pour y apporter le goût du champignon facilement. Je transforme les plantes aromatiques et les fleurs comestibles en sirops, en confits et en tisanes. J’ai pour projet de transformer également les fruits de mes arbres à venir pour en faire de la confiture. L’année dernière j’ai réalisé une confiture de kiwano, un concombre-fruit africain acidulé.
Enfin, j’expérimente tous les jours ! Cette année j’ai expérimenté la culture de fèves de soja, « Edamame », et ça fonctionne ! J’ai réussi à avoir une production très satisfaisante, supérieure à mes attentes. J’aime tester de nouvelles cultures avec des produits peu connus par les Français et les Bretons car ils osent gouter ces nouveautés culinaires. Et la plus grande partie du temps, ils reviennent car ils ont bien aimé donc ça me fait très plaisir.
Où pouvons-nous rediriger les habitants du pays de Dinan pour qu’ils puissent découvrir vos produits ? Quels sont vos projets pour la suite ?
Il existe différents outils, sur rendez-vous à la ferme via le formulaire de commande sur mon site internet ou sur Facebook tout d’abord. Par ailleurs, je suis présente sur le marché de producteurs à Créhen tous les mercredis et je fournis également des produits dans les AMAP locales. Enfin, je serai notamment au marché de Noël de Matignon et à celui de La Cour à Créhen.
Pour la suite, je souhaite créer une boutique en ligne et proposer des produits transformés aux partenaires et entreprises voisines. J’ai déjà quelques pistes.
Enfin, j’ai encore quelques projets originaux pour le futur, notamment une bambouseraie que j’installe petit à petit et qui servira à la fois à la production de pousses comestibles initialement et de fibres ou chaumes à plus long terme. Comme je suis seule sur le projet, j’ai parfois du mal à tout mener de front et dois apprendre la patience face à toutes mes idées ! Cependant, face aux aléas climatiques et conjoncturels successifs, la situation de mon entreprise reste précaire. J’espère un coup de pouce de tous ceux qui seraient intéressés pour passer ce cap difficile et continuer à évoluer en lançant un financement participatif bientôt.